Notre-Dame de Paris est bien plus qu’un monument : elle est une mémoire vivante, un témoin silencieux de l’histoire en perpétuelle évolution. Lorsque j’ai découvert l’exposition « Faire parler les pierres » au musée de Cluny, c’était une évidence de vous la faire découvrir en plus des collections permanentes du musée lors de mes visites.
Cette exposition est l’occasion de mieux comprendre les vestiges sculptés de Notre-Dame à la lumière des dernières recherches archéologiques et scientifiques menées depuis l’incendie de 2019. Ils semblent reprendre vie après tant d’années, c’est incroyable de les découvrir exposés si rapidement après leur découverte alors que les recherches sont encore en cours! Le musée nous offre la mise en valeur de sculptures déjà connues mais aussi ces plus récentes découvertes.
La salle Notre-Dame de Paris au Musée de Cluny : un écrin pour les vestiges retrouvés
Bien avant les fouilles récentes, plusieurs sculptures de Notre-Dame avaient déjà trouvé refuge au musée de Cluny. Depuis 1981, la salle Notre-Dame expose des éléments majeurs de la décoration gothique de la cathédrale : des statues de la Galerie des rois de l’Ancien Testament profanées pendant la Révolution, des sculptures des portails du XIIIème siècle, ainsi que le fameux Adam qui ornait le transept sud à l’intérieur. L’exposition « Faire parler les pierres » enrichit cette collection en présentant des fragments inédits récemment découverts.
Les pierres de la Cathédrale, témoins des époques
Les fouilles archéologiques préventives menées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont mis au jour des vestiges significatifs, notamment des sépultures et des fragments architecturaux antérieurs au XIIᵉ siècle. Cette découverte illustre une pratique architecturale médiévale : rien ne se perd, tout se transforme. Des éléments détruits étaient souvent réemployés dans les nouvelles constructions, créant ainsi un dialogue entre les époques.
Le portail Sainte-Anne, situé à droite sur la façade occidentale, en est un parfait exemple. Il intègre des sculptures datant des années 1140-1150, initialement créées pour l’ancienne cathédrale Saint-Étienne. Ces éléments ont été réutilisés lors de la construction de la nouvelle façade vers 1200-1210.
Notre-Dame de Paris est aussi un chantier d’exploration qui s’étend dans le temps, les artisans testaient et s’adaptaient aux techniques et styles de leur temps. Par exemple sur les linteaux du portail du Jugement dernier deux groupes d’anges semblent avoir été sculptés avec quelques décennie de différence : l’ange et les damnés sont plus géométriques que les anges guidant les ressuscités.
Les recherches récentes ont aussi révélé des marques distinctives laissées par les artisans médiévaux sur les blocs de calcaire. Ces signatures, destinées à identifier le travail de chaque ouvrier, offrent un aperçu précieux sur l’organisation des chantiers et les techniques employées. Cela ne vous rappelle rien? Oui lors d’une visite dans le Louvre médiéval pour pouvez observer des symboles dans les pierres des fondations !
Le jubé disparu et la clôture de choeur : une redécouverte majeure
Parmi les découvertes récentes, les vestiges du jubé de Notre-Dame nous offrent la renaissance d’un élément sacré. La qualité des sculptures et la beauté de la pierre, enfouie sous terre depuis des siècles est incroyable.
Le jubé est un élément architectural qui séparait la nef du chœur, a été démonté au XVIIIe siècle car les pratiques de culte ont évolué et son souvenir s’était peu à peu estompé. Or, les fouilles menées après l’incendie de 2019 ont mis au jour plusieurs fragments richement sculptés et polychromés, offrant un aperçu précieux de l’art gothique du XIIIe siècle.
Un manuscrit récemment retrouvé apporte de nouvelles informations sur sa structure et son iconographie. Un ensemble de feuillets enluminés (issus d’un parchemin datant d’environ 1340) qui avaient été disséminés mettent en page des images de scènes sculptées qui correspondent à celles du jubé (et de la clôture de chœur). Grâce aux techniques de numérisation et de modélisation 3D, les chercheurs espèrent restituer virtuellement ce chef-d’œuvre disparu et peut-être même en proposer une restitution partielle. Mais le travail ne fait que commencer… nous ne savons pas aujourd’hui quelle part du jubé a été retrouvée.
La polychromie médiévale : une cathédrale haute en couleur
Contrairement à l’image que nous avons aujourd’hui des sculptures de Notre-Dame, des analyses chimiques récentes ont révélé des traces de rouge, de vert et d’or sur certains fragments. Si vous observez la photo du Christ mort au dessus, vous pouvez l’observer. Tous les fragments ont bénéficié d’opérations de nettoyage et de fixation de la polychromie car les pigments étaient là mais trop fragiles pour être manipulés. Cette découverte bouleverse notre perception de l’esthétique gothique et nous invite à imaginer une cathédrale éclatante de couleurs. Si vous avez eu la chance d’entrer à Notre-Dame depuis sa réouverture.
Une muséographie qui évolue
L’exposition Faire parler les pierres présente les vestiges archéologiques et elle restitue le mouvement des sculptures, leur place dans l’architecture et leur interaction avec le regard des fidèles. Une mise en scène immersive permet de comprendre l’interaction des sculptures avec le regard des fidèles médiévaux, renouvelant ainsi notre appréhension de Notre-Dame (voir au dessus la photo du Portail du Jugement Dernier dans l’exposition). Par exemple, la tête de statue colonne de l’ange accompagnateur de Saint Denis (portail du Couronnement de la Vierge) qui est exposée au musée depuis les années 1980 est désormais présentée la tête penchée pour être plus conforme à leur insertion originelle au sein du décor sculpté de la cathédrale. Cette « archéologie du regard » réinvente notre façon d’appréhender Notre-Dame et de percevoir ce que nos ancêtres y voyaient.
Vous avez pu découvrir un aperçu des recherches récentes qui révèlent toute la richesse et la complexité de Notre-Dame de Paris. Faire parler les pierres nous permet de redonner voix à son histoire et d’en appréhender les transformations au fil des siècles. Si vous souhaitez approfondir cette découverte, je vous invite à me rejoindre pour une visite guidée de l’exposition et des collections permanentes du musée de Cluny. L’art médiéval, entre foi, croyances et imaginaire, n’a pas fini de nous émerveiller !
Faire parler les pierres : sculptures médiévales de Notre-Dame de Paris : du 19 novembre au 16 mars au musée de Cluny.
Prochaines visites partagées : samedi 22/02 à 10h, samedi 01/03 à 10h, jeudi 13/03 à 13h30. Visites privées sur demande.
Les visites guidées de la Cathédrale Notre-Dame de Paris reprennent à partir de juin 2025, contactez-moi pour réserver !
Pour plus d’informations : helene@marbreetpastel.com
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Je suis Hélène, guide conférencière. J’ai créé Marbre & Pastel pour vous accompagner à Paris et en Ile de France dans la découverte de lieux culturels variés sur les thèmes de l’Art, du Patrimoine mais aussi des sujets de Société. Que vous souhaitiez rêver, vous émerveiller, apprendre ou vous questionner, profitez d’une visite guidée privée ou partagée pour vivre un moment unique de partage et de convivialité !
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