Notre-Dame de Paris est bien plus qu’un monument : elle est une mémoire vivante, un témoin silencieux de l’histoire en perpétuelle évolution. Lorsque j’ai découvert l’exposition « Faire parler les pierres » au musée de Cluny, c’était une évidence de vous la faire découvrir en plus des collections permanentes du musée lors de mes visites.

Cette exposition est l’occasion de mieux comprendre les vestiges sculptés de Notre-Dame à la lumière des dernières recherches archéologiques et scientifiques menées depuis l’incendie de 2019. Ils semblent reprendre vie après tant d’années, c’est incroyable de les découvrir exposés si rapidement après leur découverte alors que les recherches sont encore en cours! Le musée nous offre la mise en valeur de sculptures déjà connues mais aussi ces plus récentes découvertes. 

La salle Notre-Dame de Paris au Musée de Cluny : un écrin pour les vestiges retrouvés

Bien avant les fouilles récentes, plusieurs sculptures de Notre-Dame avaient déjà trouvé refuge au musée de Cluny. Depuis 1981, la salle Notre-Dame expose des éléments majeurs de la décoration gothique de la cathédrale : des statues de la Galerie des rois de l’Ancien Testament profanées pendant la Révolution, des sculptures des portails du XIIIème siècle, ainsi que le fameux Adam qui ornait le transept sud à l’intérieur. L’exposition « Faire parler les pierres » enrichit cette collection en présentant des fragments inédits récemment découverts.

Têtes de rois de l’Ancien Testament. Détruites à la révolution, des fragments des statues des rois de la façade Ouest de la Cathédrale Notre-Dame de Paris ont été retrouvés lors de travaux d’un hôtel pariticulier dans le 8ème arrondissement de Paris en 1977.

Corps de statues de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Calcaire lutétien, vers 1220-60 selon les modèles.

Adam, rare exemple de nu médiéval.

Sculpté au XIIIe siècle, il provient de la cathédrale Notre-Dame de Paris et témoigne d’une approche naturaliste du corps humain, peu courante à cette époque. Son geste, la main posée sur son visage, exprime la douleur et le repentir après la faute originelle.

Redécouvert au XIXe siècle, il est aujourd’hui conservé au musée de Cluny.

Les pierres de la Cathédrale, témoins des époques

Les fouilles archéologiques préventives menées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)  ont mis au jour des vestiges significatifs, notamment des sépultures et des fragments architecturaux antérieurs au XIIᵉ siècle. Cette découverte illustre une pratique architecturale médiévale : rien ne se perd, tout se transforme. Des éléments détruits étaient souvent réemployés dans les nouvelles constructions, créant ainsi un dialogue entre les époques.

Le portail Sainte-Anne, situé à droite sur la façade occidentale, en est un parfait exemple. Il intègre des sculptures datant des années 1140-1150, initialement créées pour l’ancienne cathédrale Saint-Étienne. Ces éléments ont été réutilisés lors de la construction de la nouvelle façade vers 1200-1210.

Notre-Dame de Paris est aussi un chantier d’exploration qui s’étend dans le temps, les artisans testaient et s’adaptaient aux techniques et styles de leur temps. Par exemple sur les linteaux du portail du Jugement dernier deux groupes d’anges semblent avoir été sculptés avec quelques décennie de différence : l’ange et les damnés sont plus géométriques que les anges guidant les ressuscités.

Les recherches récentes ont aussi révélé des marques distinctives laissées par les artisans médiévaux sur les blocs de calcaire. Ces signatures, destinées à identifier le travail de chaque ouvrier, offrent un aperçu précieux sur l’organisation des chantiers et les techniques employées. Cela ne vous rappelle rien? Oui lors d’une visite dans le Louvre médiéval pour pouvez observer des symboles dans les pierres des fondations !

 

Reconstitution du Portail du Jugement dernier au XIIème siècle. Ce portail central sur la façade Ouest de la cathédrale a été partiellement détruit en 1771 par l’Evêque qui souhaitait plus de place pour entrer dans l’église lors des processions.

Ange qui réveille les âmes pour le paradis. Linteau du Portail du Jugement dernier, à droite.

Vers 1210-20. Calcaire lutétien.

Ange qui réveille les damnés pour l’enfer. Linteau du Portail du Jugement dernier, à gauche.

On peut observer la différence de traitement par rapport au groupe de la précédente photo (probablement réalisé quelques décennies plus tôt). 

Vers 1230-40. Calcaire lutétien.

Le jubé disparu et la clôture de choeur : une redécouverte majeure

Parmi les découvertes récentes, les vestiges du jubé de Notre-Dame nous offrent la renaissance d’un élément sacré. La qualité des sculptures et la beauté de la pierre, enfouie sous terre depuis des siècles est incroyable.

Le jubé est un élément architectural qui séparait la nef du chœur, a été démonté au XVIIIe siècle car les pratiques de culte ont évolué et son souvenir s’était peu à peu estompé. Or, les fouilles menées après l’incendie de 2019 ont mis au jour plusieurs fragments richement sculptés et polychromés, offrant un aperçu précieux de l’art gothique du XIIIe siècle.

Un manuscrit récemment retrouvé apporte de nouvelles informations sur sa structure et son iconographie. Un ensemble de feuillets enluminés (issus d’un parchemin datant d’environ 1340) qui avaient été disséminés mettent en page des images de scènes sculptées qui correspondent à celles du jubé (et de la clôture de chœur). Grâce aux techniques de numérisation et de modélisation 3D, les chercheurs espèrent restituer virtuellement ce chef-d’œuvre disparu et peut-être même en proposer une restitution partielle. Mais le travail ne fait que commencer… nous ne savons pas aujourd’hui quelle part du jubé a été retrouvée.

Un fragment du jubé du XIIIème siècle de Notre-Dame de Paris.

Tête de Christ aux yeux clos (mise au tombeau?), vers 1230, calcaire lutétien polychromé.

Découvert lors des fouilles de la croisée du transept en 2022.

Feuillé enluminé datable de 1340 environ (date de la fin de la clôture de choeur et du jubé). Les scènes des différents feuillets démembrés au fil du temps correspondent à des scènes du jubé retrouvé. 

Ici sont représentées quatre scènes de l’enfance du Christ correspondant au pan nord de la clôture du choeur : le massacre des innocents, La fuite en Egypte, la présentation au Temple, L’Enfant jésus parmi les docteurs.

Feuillets acquis en 2023 par le Musée de Cluny.

Cet homme au visage marqué par la souffrance est un damné. Sa tête surgit des flammes s’élevant d’un chaudron.

Cet élément sculpté, issu d’une scène de la Descente aux Enfers, provient d’un fragment du jubé médiéval. Retrouvé au XIXe siècle, il est aujourd’hui conservé au Musée du Louvre et présent dans l’exposition.

La polychromie médiévale : une cathédrale haute en couleur

Contrairement à l’image que nous avons aujourd’hui des sculptures de Notre-Dame, des analyses chimiques récentes ont révélé des traces de rouge, de vert et d’or sur certains fragments. Si vous observez la photo du Christ mort au dessus, vous pouvez l’observer. Tous les fragments ont bénéficié d’opérations de nettoyage et de fixation de la polychromie car les pigments étaient là mais trop fragiles pour être manipulés. Cette découverte bouleverse notre perception de l’esthétique gothique et nous invite à imaginer une cathédrale éclatante de couleurs. Si vous avez eu la chance d’entrer à Notre-Dame depuis sa réouverture.

Une muséographie qui évolue

Tête de statue colonne, accompagnateur de Saint Denis. Vers 1210-20, calcaire lutétien, traces de polychromie.

Cette tête était toujours présentée droite et de face. Elle est désormais penchée car en la nettoyant, les restaurateurs ont constaté que sa joue droite présentait de larges sillons à cause du ruissellement de l’eau de pluie. Ils ont déduit qu’il penchait la tête et est désormais exposée ainsi.

L’exposition Faire parler les pierres présente les vestiges archéologiques et elle restitue le mouvement des sculptures, leur place dans l’architecture et leur interaction avec le regard des fidèles. Une mise en scène immersive permet de comprendre l’interaction des sculptures avec le regard des fidèles médiévaux, renouvelant ainsi notre appréhension de Notre-Dame (voir au dessus la photo du Portail du Jugement Dernier dans l’exposition). Par exemple, la tête de statue colonne de l’ange accompagnateur de Saint Denis (portail du Couronnement de la Vierge) qui est exposée au musée depuis les années 1980 est désormais présentée la tête penchée pour être plus conforme à leur insertion originelle au sein du décor sculpté de la cathédrale. Cette « archéologie du regard » réinvente notre façon d’appréhender Notre-Dame et de percevoir ce que nos ancêtres y voyaient.

Vous avez pu découvrir un aperçu des recherches récentes qui révèlent toute la richesse et la complexité de Notre-Dame de Paris. Faire parler les pierres nous permet de redonner voix à son histoire et d’en appréhender les transformations au fil des siècles. Si vous souhaitez approfondir cette découverte, je vous invite à me rejoindre pour une visite guidée de l’exposition et des collections permanentes du musée de Cluny. L’art médiéval, entre foi, croyances et imaginaire, n’a pas fini de nous émerveiller !

Faire parler les pierres : sculptures médiévales de Notre-Dame de Paris : du 19 novembre au 16 mars au musée de Cluny.

Prochaines visites partagées : samedi 22/02 à 10h, samedi 01/03 à 10h, jeudi 13/03 à 13h30. Visites privées sur demande.

Les visites guidées de la Cathédrale Notre-Dame de Paris reprennent à partir de juin 2025, contactez-moi pour réserver !

Pour plus d’informations : helene@marbreetpastel.com

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Je suis Hélène, guide conférencière. J’ai créé Marbre & Pastel pour vous accompagner à Paris et en Ile de France dans la découverte de lieux culturels variés sur les thèmes de l’Art, du Patrimoine mais aussi des sujets de Société. Que vous souhaitiez rêver, vous émerveiller, apprendre ou vous questionner, profitez d’une visite guidée privée ou partagée pour vivre un moment unique de partage et de convivialité !

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